
Le directeur du Tour de France entretient un lien fort avec Lille et le département du Nord. Durant cette rencontre, Christian Prudhomme revient sur cet attachement personnel, l’importance de la région dans l’histoire du Tour… et ce que représente pour lui ce Grand Départ depuis Lille.
Christian Prudhomme, que représente le Nord pour vous dans l’histoire du Tour ?
Christian Prudhomme : Le Nord, c’est une vraie terre de cyclisme, sans aucun doute sur le podium des plus grandes régions de vélo, peut-être juste derrière la Bretagne. C’est une terre de champions, avec des figures comme Jean Stablinski, que nous allons d’ailleurs honorer prochainement à la Trouée d’Arenberg. Champion du monde, quadruple champion de France, il a contribué à la légende du cyclisme et du Tour. Mais c’est aussi une région de lieux mythiques, comme la Trouée d’Arenberg, Cassel… Le public, la passion, l’ambiance : tout y est. Après trois grands départs à l’étranger, il n’y avait pas de lieu plus légitime que le Nord pour ce retour en France. Lauwin-Planque a été choisie parmi plus de 300 candidatures. Grâce à la force des Hauts-de-France, du département du Nord, de Lille, et de toutes les collectivités partenaires, on a pu faire ce pari audacieux. Et moi aussi, je suis heureux. Ce contraste entre la grande métropole et le petit village, c’est exactement ce qu’est le Tour de France.
Un grand départ dans le Nord de la France, entre plusieurs départs à l’étranger. Que signifie ce retour dans l’Hexagone ?
Christian Prudhomme : Après trois grands départs à l’étranger, il nous fallait revenir à un territoire français fort, enraciné dans la culture cycliste, passionné par le Tour. Les Hauts-de-France, et notamment la métropole européenne de Lille, se sont naturellement imposés. En 2021, nous étions en Bretagne ; en 2025, c’est le Nord, tout aussi emblématique. Ce choix s’est appuyé sur une certitude : celle d’un accueil chaleureux, d’une ferveur populaire indéfectible, et d’un engouement qui dépasse nos frontières — de la Belgique, des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne. C’est un retour qui a du sens, à la fois humainement et sportivement.
La première étape devrait sourire aux sprinteurs – une première depuis cinq ans. La deuxième, au départ d’Auvin-Planque, sera plus sélective. La plus longue du Tour, elle proposera une série de côtes abruptes dans les 20 derniers kilomètres. Les favoris du général pourraient bien y livrer leur première bataille. Ensuite, cap sur Valenciennes, Dunkerque, puis Amiens et sa majestueuse cathédrale pour une séquence nordique que j’ai hâte de vivre.
Quel rôle joue Lauwin-Planque dans cette édition 2025 du Tour, aux côtés des grandes villes ?
Christian Prudhomme : Lauwin-Planque est l’illustration parfaite de l’esprit du Tour. Le Tour de France, ce n’est pas seulement les grandes métropoles, c’est aussi — c’est surtout — la France des villages. Et quand Christian Poiret parle de village, il le fait avec cœur. J’étais déjà passé à Lauwin-Planque, il y a une quinzaine d’années, brièvement. Mais aujourd’hui, j’ai vu un village mobilisé, habité par la joie, la fierté, l’impatience de vivre ce moment unique. C’est fort, c’est beau.
Dans les villages, les gens n’attendent pas qu’on les pousse. Ils veulent accueillir, ils sont fiers, ils se mobilisent. Et nous, au Tour, nous avons confiance. Nous savons que ça fonctionnera, parce que la volonté est là. Revenir dans des villes comme Lille, qui a déjà accueilli un grand départ en 1960, c’est formidable. Mais inscrire de nouveaux noms comme Auvin-Planque, c’est tout aussi essentiel. Cette année, nous avons 6 ou 7 sites inédits : c’est cette alchimie entre tradition et nouveauté qui fait la richesse du Tour.
Le Tour, c’est aussi une immense vitrine médiatique…
Christian Prudhomme : Absolument. 190 pays retransmettent les images du Tour, dont une centaine en direct. C’est une immense fierté pour les villes et les villages traversés. Auvin-Planque, Lille, Dunkerque, Valenciennes, Boulogne… ces noms seront entendus, vus, répétés des centaines de milliers de fois, dans toutes les langues. Le Tour rassemble, il unit. Et à une époque où le lien social est si précieux, cela a une portée qui va bien au-delà du sport.
Cette année, il n’y a ni Jeux Olympiques ni Coupe du monde de football. Le Tour est l’événement majeur de l’été ?
Christian Prudhomme : Oui, sans aucun doute. Nous aimons les années impaires. Cette année, selon un sondage, le Tour de France est l’événement sportif le plus attendu. Cela confirme sa place à part. Le Tour est bien plus qu’une course cycliste. C’est une fête populaire, une source de fierté collective. Et grâce aux prises de vue aériennes, c’est aussi une sublime vitrine touristique de la France. Une bande-annonce grandeur nature.
Un mot de la fin ? Un chiffre porte-bonheur peut-être ?
Christian Prudhomme : Oui, un clin d’œil personnel. Je suis devenu journaliste grâce à l’École de journalisme de Lille. Et j’étais dans la… 59e promotion. Aujourd’hui, nous sommes à 59 jours du grand départ, dans le département 59. Coïncidence ? Peut-être. Mais j’y vois un joli signe du destin.
Propos recueillis par Fred VDB / photos Laurent SANSON

